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Saturday, April 15, 2023

Contrôle des insectes piqueurs : Québec a-t-il écouté la science? - Radio-Canada.ca

Un travailleur répand l'insecticide.

L'épandage du Bti en forêt.

Photo : Radio-Canada

Le contrôle des insectes piqueurs au Québec arrive peut-être à la croisée des chemins. Dernièrement, certaines municipalités comme Labelle, Terrebonne, Mont-Saint-Grégoire et Sainte-Perpétue ont cessé le traitement au Bti, un larvicide qui s’attaque à ces insectes.

C’est aussi le cas de Nicolet. Cette ville de 8500 habitants, située dans la région du Centre-du-Québec, n'utilisera plus ce pesticide à partir de cette année.

La mairesse Geneviève Dubois l’affirme sans détour : la biodiversité, l'importance de maintenir les espèces, de ne pas intervenir dans l'environnement, c'est là, c'est réel.

Geneviève Dubois, mairesse de Nicolet et préfète de la MRC de Nicolet-Yamaska

La mairesse de Nicolet, Geneviève Dubois, affirme qu'interdire le Bti permettra à sa municipalité de conserver une meilleure biodiversité pour les générations à venir.

Photo : Radio-Canada

« On essaie de travailler pour les générations à venir. Donc c'est vraiment dans cet esprit-là qu'on a pris la décision. »

— Une citation de  Geneviève Dubois, mairesse de Nicolet

Au Québec, ce sont les municipalités qui octroient les contrats d’épandage de Bti. Elles doivent toutefois obtenir un certificat d’autorisation du ministère de l’Environnement qui, jusqu’à tout récemment, l’attribuait après avoir consulté le ministère de la Faune. Depuis la fusion des deux ministères en 2022, c’est l’Environnement qui s’occupe de l’ensemble du processus.

Ces dernières années, de nouvelles recherches ont remis en question l’innocuité du Bti sur la biodiversité. Pour bien des citoyens et des élus, le doute s’est installé et le principe de précaution est devenu une des positions privilégiées comme à Nicolet.

« Est-ce qu'il y aura d'autres réponses qui vont nous conforter dans notre décision ou qui vont nous amener à prendre une autre décision? Je ne le sais pas, mais pour l'instant, le principe de précaution, c'était vraiment de ne pas prendre de risques inutiles par rapport à des réponses qu'on n'a pas. »

— Une citation de  Geneviève Dubois, mairesse de Nicolet
Une grenouille dans un plan d'eau.

Des études démontrent que le Bti modifierait le microbiote intestinal de certains amphibiens.

Photo : Radio-Canada

L’adoption du principe de précaution sur la glace durant deux ans

Le ministère de l’Environnement devrait rendre publiques dans les prochains jours une revue de littérature scientifique et la nouvelle orientation du Québec sur le Bti. Le principe de précaution y serait présent, ce qui aiderait les fonctionnaires et les municipalités à prendre des décisions éclairées. L’enjeu est de taille. En acceptant d’appliquer ce principe, le Québec deviendrait un précurseur sur la planète en matière d’encadrement du Bti.

Mais la partie n’a pas été facile pour en arriver à cette décision. Grâce à l’accès à l’information, La semaine verte a pu refaire le fil des événements qui se sont déroulés dans ce dossier.

Déjà en 2020, des scientifiques de l’ancien ministère de la Faune avaient préparé une revue de littérature scientifique de près de 200 pages à propos du Bti. L’étude avait été révisée par 10 scientifiques et semblait pratiquement prête à être publiée. Le principe de précaution s’y trouvait à ce moment, comme en fait foi cet extrait :

À la lumière des résultats de l’analyse de l’information scientifique, qui montre qu'il n'y a pas toujours consensus, et par principe de précaution, il est recommandé d'éviter ou de minimiser les épandages surtout dans les habitats essentiels des espèces menacées et vulnérables, ainsi que dans les aires naturelles protégées.

Cette bible devait servir de cadre aux décideurs sur la politique à adopter face au Bti. Mais, durant les deux dernières années, rien n’a bougé parce que l’étude semble avoir été tablettée.

Comment l’expliquer?

Notre enquête a permis de constater que GDG Environnement, la principale entreprise qui réalise des traitements au Bti au Québec, a engagé le cabinet de relations publiques National pour effectuer des démarches officielles de lobbying auprès du ministère de la Faune. Ensemble, ils ont tenté de convaincre Québec de ne pas inclure le principe de précaution dans les documents gouvernementaux.

Des échanges de courriels permettent de voir que l’industrie a eu un accès direct au sous-ministre à la Faune Mario Gosselin.

Dès septembre 2020, ce dernier organise une rencontre entre son ministère, GDG et National.


Dans un courriel, il est écrit que l’industrie y offre sa collaboration :

« M. Gosselin

Mes collègues et moi vous remercions pour l’excellente réunion de cet après-midi.

Nous comprenons également que vous souhaitez renforcer notre collaboration, déjà excellente, et c’est notre souhait aussi. À cet égard, je réitère notre offre à l’effet de mettre à votre service une expérience pratique de plus de 40 ans en contrôle biologique et de participer plus étroitement à l’appréciation des études et de la nouvelle analyse entourant l’usage du Bti. »


Dans un autre échange, daté du 6 novembre 2020, GDG explique ce qui devrait être retiré des documents :

« [...] les principaux points où les opinions divergent grandement sont :

1- Le principe de précaution (il n’y pas de risque grave et irréversible alors pourquoi maintenir une section sur le sujet)? »


La même journée, dans un courriel, un représentant de National interpelle le sous-ministre.

« Je crois comprendre que les discussions ne vont pas du tout dans le sens souhaité. Nous souhaitons avoir à nouveau un entretien avec vous dans les plus brefs délais. »


Cinq jours plus tard, le gouvernement accepte de remettre à l’industrie une partie sensible de l’étude, celle sur le principe de précaution, afin d’obtenir son avis.

« Nous avons l’autorisation de vous transmettre la section pour obtenir vos commentaires. »


Le 15 avril 2021, l’industrie revient à la charge. National relance le sous-ministre et lui demande de refaire ses devoirs et de réaliser une deuxième révision de l’étude par d’autres scientifiques.

« Bonjour M. Gosselin, j’espère que vous allez bien. Pourriez-vous me mettre à jour sur vos intentions concernant notre demande de révision de la revue de la littérature sur le Bti effectuée par le MFFP par des pairs Québécois. »


La réponse de Québec arrive le lendemain matin.

« Une révision des documents sera réalisée (revue de littérature et orientation). Nous n’entendons donc pas diffuser ces documents à court terme, le temps que cette révision soit réalisée. »


Mais deux mois plus tard, en juin 2021, le dossier ne semble pas prendre le chemin voulu par GDG. La compagnie adresse alors directement une lettre au ministre Pierre Dufour, responsable de la Faune à l’époque.

« Je souhaite que vous m’apportiez un éclairage sur une situation difficilement compréhensible et justifiable dont le théâtre est votre ministère. »

La revue de littérature scientifique et les fonctionnaires sont sévèrement critiqués par l’industrie.

« Ce document n’a ni le titre, ni l’impartialité d’une revue de la littérature. Le traitement à la pièce d’études, l’interprétation des auteurs et les formulations tendancieuses utilisées éloignent le lecteur de toute forme d’impartialité. Les auteurs dénigrent toutes les études en faveur du Bti, et citent les chercheurs associés à celle-ci avec un manque flagrant d’éthique, ne donnant foi qu’aux études qui cadrent avec leurs convictions et non avec la neutralité de la science. »

La lettre se poursuit :

« Difficile d’expliquer une telle attitude autrement que par un parti pris idéologique et pamphlétaire. »

Pour se conclure ainsi :

« Nous comptons sur vous, Monsieur le Ministre, pour remettre de l’ordre et de la cohérence dans ce dossier. »


Ce sont les derniers échanges auxquels nous avons eu accès.

Trois moustiques posés sur un bras.

Le Bti tue les insectes piqueurs comme les moustiques.

Photo : Radio-Canada

Un retard justifié?

Est-ce que les démarches de l’industrie ont porté leurs fruits? Ce qui est clair aujourd’hui, c’est que la mise en place d’une nouvelle politique québécoise quant à l’utilisation du Bti a pris beaucoup de retard.

Nous avons voulu connaître la position de GDG, mais la compagnie a refusé de nous accorder une entrevue. C’est par courriel qu’elle nous a répondu :

« Nos intentions à l’égard des rencontres avec le gouvernement étaient simplement d’offrir un regard fondé sur de nombreuse [sic] années d’expertise opérationnelle adaptée aux domaines bioclimatiques québécois et ce, dans le but d’approfondir et de parfaire la maîtrise sur le sujet. »

— Une citation de  Richard Vadeboncoeur, vice-président, développement des affaires, GDG Environnement

Nous avons demandé au ministre de l’Environnement, qui est désormais responsable de la Faune, de nous expliquer si les lobbyistes de l’industrie du Bti avaient réussi à influencer le processus décisionnel.

Benoit Charette a d’abord accepté de répondre à nos questions avant de faire volte-face.

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